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Le ndëpp est une cérémonie envoûtante de chants et de danses, une thérapie complexe qui se déroule en plusieurs étapes. Cette pratique est à la fois une ode à la musique et à la danse, et un rituel profondément ancré dans la communauté lébou.
Le culte débute toujours par des libations effectuées par un groupe de professionnels appelés « ndëppkat », accompagnés des griots et des membres de la famille du malade. Dans une pièce close, le patient ou la patiente, vêtu (e) d’un pagne, s’installe sur une natte, tourné (e) vers l’est, les jambes tendues et les paumes des mains ouvertes vers le ciel. Là, tout son être est délicate- ment aspergé d’eau provenant des bouches des soigneurs.
Le griot prend ensuite la parole, annonçant le début du culte par sept coups de tamtam, invitant ainsi les génies à se joindre à la cérémonie. Ces chants envoûtants résonnent dans l’air, attirant les esprits qui gui- dent et influencent le rituel. Les rythmes et les mélodies transportent chacun dans un état de transe, libérant les énergies mystiques qui entourent la pièce.
Pendant que les chants envoûtants se poursuivent, le malade demeure dans sa posture initiale, tandis que les soigneurs me- surent son corps à l’aide de ficelles, de racines d’arbres et de pâte de mil, symboles des offrandes faites aux génies. Ce rituel symbolise la communication profonde entre l’âme du malade et les forces invisibles qui le guident.
Soudain, les soigneurs, accompagnés d’un assortiment d’ingrédients mystiques, procè-
dent au transfert du génie vers une poterie disposée aux pieds du ou de la malade. Ce moment crucial marque la présence tangible du génie, son esprit étant désormais lié à cet objet. Les chants et les danses s’intensifient, amplifiant l’énergie spirituelle présente dans la pièce.
L’avant-dernière étape de cette cérémonie exigeante consiste en des rituels sacrificiels animaux, révélés par les génies à travers des divinations, et préparés avec soin par les guérisseuses. Avant de procéder aux sacri- fices, les chants rituels captivent le génie, l’invitant à se manifester et à accepter l’of- frande. L’heure du sacrifice revêt une impor- tance cruciale, avec un moment privilégié entre 13h 30 et 14h.
Après l’immolation, l’animal est dépecé et partagé en trois parts. Les guérisseuses reçoivent les deux pieds (avant et arrière), la queue du bœuf (qui sera transformée en un instrument rituel) et les cornes (qui seront associées aux génies et au culte), symbolisant ainsi leur connexion avec les forces mystiques.
Ces rites ensorcelants du ndëpp met- tent en lumière la puissance des chants et des danses dans la communauté lébou. Ils sont le cœur même de cette cé- rémonie, porteurs de vibrations spiri- tuelles qui transcendent les frontières du visible et de l’invisible.
Les guérisseuses, les ndëppkat et les griots jouent un rôle essentiel en préservant ces traditions ancestrales, offrant ainsi une voie de guérison et d’harmonie aux malades et à la communauté dans son ensemble.
Babacar Korjo NDIAYE