Des avocats de l’ancien Chef de l’État ont fait face hier à la presse afin d’apporter une riposte dans le cadre de l’affaire dite « dette cachée », soulevée par l’actuel régime.

Déterminé à laver son honneur dans ce dossier, l’ancien président du Sénégal,
Macky Sall, a commis un pool d’avocats, parmi lesquels l’ancien bâtonnier de l’Ordre
des avocats de Paris, Maître Pierre-Olivier Sur.

En conférence de presse jeudi à Dakar, en compagnie de ses confrères sénégalais,
Me Sur a planté le décor d’un débat qu’il qualifie d’« affaire de rapports cachés » en
lieu et place d’une prétendue dette cachée. Selon lui, trois documents essentiels à la
compréhension de la situation financière du pays seraient tenus hors de portée du
public : le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), un pré-rapport de la
Cour des comptes et le rapport du cabinet d’audit international Mazars. “Le rapport
de l’Inspection des finances, qui a allumé la mèche, est resté introuvable. Aucun
journaliste ne peut dire l’avoir eu entre les mains. Et pourtant, vous, la presse, êtes la
garantie de la transparence et de la démocratie”, a-t-il lancé. L’avocat français s’est
interrogé sur la forme et la légalité des procédures entourant ces documents. Il a
notamment évoqué le non-respect des délais prévus par la loi de 2012 pour la remise
du rapport de l’IGF, ainsi que l’absence de signature plénière pour celui de la Cour
des comptes, ce qui, selon lui, entache leur validité.

Des rapports suspectés d’opacité

Quant au rapport Mazars, Me Sur questionne son indépendance et les conditions de
son attribution. “A-t-il fait l’objet d’un appel d’offres ? A-t-il été signé par les associés
locaux ? Nous n’en savons rien. Peut-être parce que l’appel d’offres, lui aussi, a été
caché”, a-t-il ironisé.

Pour le juriste, le cœur du problème ne réside pas dans une dette dissimulée, mais
bien dans l’opacité entourant la production et la diffusion de ces rapports officiels. “Nous ne sommes pas dans un dossier de dette cachée, mais de rapports cachés”,
a-t-il insisté.

Revenant aux fondamentaux, Me Sur a appelé à une clarification des concepts
économiques : “Une dette, c’est une émission obligataire, un engagement de l’État.
Mais faut-il assimiler une facilité de trésorerie à une dette publique ?” s’interroge-t-il,
évoquant la confusion entre dettes techniques et endettement structurel. Il a rappelé
que toute dette n’est pas synonyme de crise, citant les cas du Japon ou des États-
Unis, dont l’endettement dépasse largement celui du Sénégal sans compromettre
leur stabilité. “La dette est vertueuse quand elle accompagne la croissance. Sous
Macky Sall, le PIB a doublé. Ce serait une faute économique de ne pas avoir
soutenu cette croissance par une dette productive”, a-t-il soutenu, avant de plaider
pour la continuité de l’État et le respect des réalisations antérieures.

Dans le même registre, Me Aïssata Tall Sall, présidente du groupe parlementaire
Takku-Wallu et ancienne ministre de la Justice, a dénoncé une instrumentalisation
politique du débat sur la dette. Selon elle, le gouvernement a évoqué une “dette
cachée” sans jamais en apporter la moindre preuve. “Le Premier ministre a affirmé
qu’il existait une dette cachée, sans dire de quoi il s’agissait, ni comment elle avait
été dissimulée. Puis, après cette déclaration, on est allé chercher des cabinets
d’audit pour justifier une parole politique. C’est l’inverse de la rigueur attendue d’un
État”, a-t-elle fustigé.

L’ancienne garde des Sceaux rappelle que la loi du 26 août 2025 sur la transparence
administrative oblige les autorités à communiquer tout document public à toute
personne qui en fait la demande, sous peine de sanctions pénales. “Le ministre des
Finances et la Cour des comptes détiennent ces rapports. Pourquoi refusent-ils de
les publier ? Qu’ont-ils à cacher ?”, a-t-elle lancé, pointant du doigt une violation
manifeste du droit d’accès à l’information.

Abordant la posture de l’ancien président, Me Tall Sall a salué son “courage moral”
pour avoir saisi la justice afin d’obtenir ces documents. “Il est rare de voir un ancien
chef d’État devoir écrire à son administration pour réclamer des documents. Cela
montre sa volonté de transparence et sa confiance en la vérité”, a-t-elle affirmé.

Pour elle, cette démarche prouve que Macky Sall n’a rien à se reprocher. “S’il avait
quelque chose à cacher, il n’aurait pas engagé des avocats pour faire éclater la

vérité”, a-t-elle ajouté, soulignant que cette bataille vise à “laver l’honneur d’un
régime injustement accusé”.

« Le FMI n’a jamais confirmé l’existence d’une dette cachée »

Le débat a également franchi les frontières, suscitant des commentaires jusque dans
les couloirs du Fonds monétaire international (FMI). Me Tall Sall a tenu à préciser
que le FMI n’a jamais confirmé l’existence d’une dette cachée au Sénégal, malgré
certaines interprétations circulant dans la presse. “Le FMI salue les efforts des
autorités pour faire la lumière sur le sujet, mais n’a jamais produit de rapport
établissant une dette cachée. Il faut savoir lire entre les lignes”, a-t-elle martelé.

Maîtres Pierre-Olivier Sur et Aïssata Tall Sall ont insisté sur un point : le véritable
scandale ne serait pas une dette dissimulée, mais des rapports et informations
publiques tenues secrètes, en violation du droit d’accès prévu par la loi.

Cette affaire, devenue emblématique, met en lumière les enjeux de transparence, de
bonne gouvernance et de continuité institutionnelle dans la gestion des affaires
publiques.

Reste désormais à savoir si les autorités rendront publics les rapports en cause, et
si, comme l’affirment les avocats, le dossier de la “dette cachée” n’était finalement
qu’une question de “vérité cachée”.