Le problème du Sénégal réside dans un immobilisme généralisé à travers tous les secteurs. Cette stagnation n’est pas simplement liée à des facteurs externes, mais elle est profondément enracinée dans notre mode de vie et nos comportements quotidiens. Il devient alors évident que la solution à ce problème ne peut être que sociologique. Elle réside dans un diagnostic approfondi de notre mode de fonctionnement afin de dégager des pistes de réinvention et de transformation sociale.

Mais avant de proposer des solutions, il convient de comprendre les problèmes structurels qui affligent le Sénégal. Quels sont-ils ?

Les Problèmes du Sénégal

Le tissu économique : Le pays se caractérise par un sous-développement rampant, un chômage de masse, une précarité de l’emploi et un secteur économique à dominante informelle. La classe moyenne est plus que jamais appauvrie, et l’économie sénégalaise reste dépendante, principalement tournée vers l’exploitation des ressources naturelles par des multinationales. Le système monétaire et financier est sous la tutelle des institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale, rendant le pays vulnérable. Notre économie est extravertie : nous exportons des matières premières et achetons des produits finis à l’étranger. Cela nourrit un cercle vicieux de dépendance qui renforce le sous-développement.

Le champ politique : Un fossé sépare l’État politique et l’État social. La politique sénégalaise est marquée par une corruption endémique, une gestion des affaires publiques par une élite privilégiée, et un manque de vision à long terme. Les lois favorisent l’accaparement du pouvoir et des ressources par une caste dirigeante. Après plusieurs alternances politiques et plus de 60 ans d’indépendance, les défis demeurent les mêmes : inondations, chômage, pauvreté, émigration clandestine, manque d’infrastructures, etc. Ces problèmes persistent malgré des décennies de promesses de changement, illustrant un éternel recommencement.

Le champ social : La famille traditionnelle, autrefois socle fondamental de la société sénégalaise, traverse une crise profonde. Les divorces sont de plus en plus fréquents et le modèle de socialisation est aujourd’hui en déclin. L’école, autrefois vecteur d’intégration, produit des jeunes inadaptés à la société, incapables de s’épanouir dans un environnement en constante évolution. L’inflation scolaire a exacerbé ce phénomène, et le système éducatif peine à s’adapter aux exigences d’une société moderne.

Le modèle culturel : La société sénégalaise est marquée par une forte indétermination culturelle. Les valeurs traditionnelles se heurtent à des institutions modernes qui peinent à les intégrer. Il manque un projet de société qui puisse fédérer les Sénégalais autour de valeurs communes et d’une vision claire de leur avenir. Cette absence de repères culturels cohérents nourrit une société fragmentée, influençable et en proie à une profonde crise identitaire.

Un Mode de Vie Pathologique

Le mode de vie sénégalais actuel repose sur un système hérité qui n’est plus adapté aux réalités du pays. Après des siècles d’esclavage et des décennies de colonisation, nous avons importé un État et des institutions qui n’ont jamais été adaptés à notre société, ni à nos besoins, ni à notre culture. Ce système a créé un mode de fonctionnement qui nous condamne à une stagnation quasi permanente.

Un exemple frappant de cette situation est l’éternelle crise autour de la Tabaski, chaque année marquée par la pénurie et la hausse des prix des moutons. Il est presque devenu normal de vivre avec cette pénurie chaque année, sans que personne ne s’efforce de trouver une solution durable. Cette répétition des mêmes problèmes sans issue est symptomatique d’une organisation sociale qui perpétue un cycle d’instabilité chronique.

L’Inadaptation Institutionnelle : Une Monstruosité Sociologique

Le Sénégal est aujourd’hui une « monstruosité sociologique », pour reprendre le terme de Durkheim. Une société de grande taille, mais sans cohérence interne, où les institutions sont déconnectées des réalités du terrain. Cette absence de lien entre les groupes sociaux et l’État central génère une crise institutionnelle profonde, propice à une anomie sociale. Cela crée une situation où les attentes sociales sont rarement satisfaites, exacerbant la frustration et la désillusion des citoyens.

Le Changement Social : Une Nécessité Urgente

Pour sortir de ce cercle vicieux, un changement profond du système social est impératif. Ce processus devra passer par trois étapes essentielles :

1. Lavage de cerveau : Il s’agit de susciter une prise de conscience chez les Sénégalais à travers une déconstruction intellectuelle du système actuel. Les sociologues et intellectuels doivent jouer un rôle central dans cette phase.


2. Changement des comportements : La transformation des habitudes collectives est une étape cruciale. Des leaders visionnaires doivent inspirer la population à adopter de nouvelles pratiques sociales, économiques et politiques, en abandonner les anciennes.


3. Politisation du changement : Le nouveau projet social doit être institutionnalisé à travers des réformes profondes, portées par des leaders politiques capables de transformer les aspirations de la société en politiques publiques concrètes.



Conclusion : Une Révolution Sociologique

Tous les problèmes du Sénégal, qu’ils soient économiques, politiques, sociaux ou culturels, sont enracinés dans un mode de vie hérités d’un passé colonial. Ce système social profondément ancré nourrit un éternel recommencement de la même crise. La seule issue reste une révolution sociologique, qui passera par une véritable refondation des institutions et de notre manière de vivre ensemble. Ce changement nécessite une volonté collective et un leadership capable de guider le pays vers une société plus juste, cohérente et adaptée aux réalités contemporaines.

Si Ousmane Sonko, l’actuel leader de l’opposition, se pose en champion de ce changement, il reste à savoir si ses ambitions sont compatibles avec un projet véritablement structuré et réalisable. Un changement de régime politique suffit-il à changer un système social profondément enraciné ? La question reste ouverte. Ce qui est certain, c’est que, pour le Sénégal, l’avenir dépendra de la capacité de ses intellectuels et leaders à accompagner une révolution sociale profonde, portée par une vision partagée et un engagement commun.